par Jean-Yves Champeley
Ce projet de parc Axe 7 consiste à vouloir s’emparer d’une centaine d’hectares de terres agricoles pour les revendre à des entreprises qui artificialiseront ces sols. Il s’agit aussi d’élargir et de créer des routes sur ce parc d’activités. Afin de tenter d’excuser un pareil saccage des terres agricoles, ce projet promet 9,5 hectares de « parc agro-naturel » ou « agro-touristique » comprenant néanmoins parkings et route de 4 mètres de large en lieu et place d’un chemin vicinal. Des 115 hectares de terres agricoles, il ne subsisterait que 17 hectares cultivables. Ainsi les 3/4 de ces 115 hectares agricoles seraient irrémédiablement détruits. L’intérêt actuel et futur du potentiel agronomique, faunistique et humain de ces riches terres irrigables n’est pas même évoqué. La protection des terres agricoles de la basse vallée de la Valloire ne semble pas digne d’intérêt pour les élus de ces communes et de l’intercommunalité. Pourtant depuis des siècles, ces terres de la vallée d’or (vallis aurea) sont un des greniers à blé de notre région. La défense de l’agriculture et des milieux naturels n’est donc toujours pas à l’ordre du jour de la comcom PDA.
Ce projet de destruction des sols naturels ne pourra jamais produire le millier d’emplois nouveaux promis. Le ratio entre les hectares artificialisés et les emplois créés a été calculé par les services de préfecture de la Drôme. Ces dernières années, le ratio pour la comcom PDA est de 1,62 emploi nouveau par hectare artificialisé (note artificialisation, DDT 26, janvier 2024). Si nous appliquions ce coefficient aux 76 hectares ou aux 115 hectares, nous arriverions à un solde entre les emplois détruits et les emplois créés équivalent à une centaine d’emplois nouveaux. Depuis dix ans, cette politique d’artificialisation des sols afin de créer des emplois n’a eu aucune incidence notable sur le nombre de chômeurs. Depuis dix ans, ce nombre de chômeurs est toujours compris entre 2300 et 2500 personnes. Cette politique de bétonisation et de vente à l’encan du «foncier en or» ne fait pas baisser le chômage tout au contraire. Ce projet conforte un modèle faussement industriel qui cache une précarisation de la population et une périurbanisation du territoire. C’est à dire une très forte consommation des terres agricoles, la réduction de la biodiversité et des espaces naturels continus, la mise en danger des activités agricoles, la confortation du tout-voiture et du tout-camion ainsi que la déprise des centres villageois anciens et l’enlaidissement des paysages communaux.
Aucune réflexion alternative à ce projet de ZAC n’a été envisagée. La concertation avec les agriculteurs se limite finalement à une proposition de rachat de leur terre sans écouter leurs propositions et leurs demandes. Les mesures de compensation sont assez grossièrement établies. Les constats et les demandes des associations environnementalistes ne sont ni sollicités ni entendus. Le mémoire en réponse de la comcom PDA est une réponse rapide et assez maladroite aux observations de la MRAe dans son avis du 17 juillet 2024. La chambre d’agriculture, la SAFER et la comcom PDA ne peuvent pas décider seules de la destruction des terres agricoles sans avoir entendu l’ensemble des citoyens qui sont tous concernés par la disparition des sols vivants. Les citoyens et contribuables ignorent le coût financier de cette politique locale de spéculation foncière qui tourne le dos aux défis d’avenir : la résilience alimentaire et climatique. La comcom qui est à l’initiative de cette vaste opération immobilière, ne publie pas ses bilans financiers contrairement aux demandes de la Cour régionale des comptes (audit CRC, Lyon, décembre 2022).
Pour toutes ces raisons nous soutenons l’avis de la MRAe du 16 juillet 2024 (avis n° 2024-ARA-1715). Cet avis n’est pas placé sur le site de la comcom au sein de l’onglet dévolu à cette PPVE ; ce qui est plus que regrettable. En conséquence nous demandons :
Pourquoi vouloir une ZAC aussi grande et à 6 km de l’autre projet de ZAC Inspira et de zones communales non encore totalement loties ? Quel est l’intérêt pour les 34 communes de concentrer pareillement les activités en un seul lieu alors que 28 % des actifs travaillent sur leur commune de résidence et qu’il n’existe aucun transport en commun pour se rendre sur cette zone et aucune intermodalité possible d’Axe 7 avec les axes ferroviaires et fluvial ?
Comment absorber la pollution générée par les 4000 véhicules supplémentaires prévus dans cette ZAC Axe 7 ? Le trafic généré par les entreprises déjà installées pollue déjà les villages du nord Drôme. La potentielle création d’un demi-échangeur ne fera qu’accroître le problème notamment sur la RD 1. Les populations riveraines sont déjà victimes des pollutions atmosphériques. Le site du projet Axe 7 et la comcom sont déjà pollués au dioxyde d’azote, aux particules fines et à l’ozone (https://www.orcae-auvergne-rhone-alpes.fr, profil CC PDA, septembre 2024). Le dossier présenté par la comcom tend à faire accroire que ces pollutions actuelles et futures ne seraient pas dangereuses car le site est bien ventilé ! La réalité est moins venteuse avec une pollution atmosphérique responsable en vallée du Rhône de 10% de la mortalité totale (Santé publique France, 2021). Le site voisin d’Inspira est déjà proche des niveaux de pollution du centre-ville de Lyon et de Feyzin pour certains polluants. Comment la comcom PDA peut promouvoir un modèle de développement qui conforte de pareils niveaux de pollution dont les conséquences funestes sur la santé et l’environnement sont aujourd’hui bien connues ? Comment ne pas voir l’impact désastreux de cette fabrique de la pollution sur la qualité de vie des populations, sur les productions agricoles locales et sur le tourisme vert ?
Comment serait-il possible de limiter la pollution sonore, lumineuse, visuelle avec des bâtiments prévus pour être plus hauts que ceux existants suivant la proposition d’une « densification verticale » ? Aujourd’hui, la zone est illuminée toutes les nuits avec un bruit continu jour et nuit notamment sur le site DPD. Les établissements déjà installés sur cette zone ont posé des clôtures hermétiques. Ainsi la dernière base logistique (Sigma 14-holding Dentressangle) s’est clôturée sur 6 hectares en 2023. Comment imaginer que les établissements réduiraient à l’avenir la pollution lumineuse ou sonore et les clôtures alors qu’ils ne respectent pas ces principes à ce jour ?
Comment accepter de rejeter plus de chaleur avec les process (type Trotec), la ventilation et la climatisation des bâtiments, les zones bétonnées et bitumées qui captent la chaleur ? Les ambiances sonores sont déjà pénibles de jour comme de nuit (site DPD). En l’état initial sur le site, y compris à distance des voiries, la pollution sonore est au-delà des valeurs recommandées par l’OMS. Il faut impérativement cesser d’exposer la population riveraine et les employés des entreprises à un niveau de bruit nocif pour leur santé.
Pourquoi ne pas tenir compte du risque de prolifération du Moustique Tigre vecteur de maladies (dengue, chikungunya, zika, paludisme, fièvre jaune, West Nile, Usutu) ? Les communes de Saint-Rambert d’Albon et d’Albon sont colonisées par ce moustique depuis respectivement 2019 et 2021. Les populations d’Albon, d’Anneyron et de Saint-Rambert d’Albon souffrent plusieurs mois par an de cette invasion des moustiques provenant aussi des bassins de rétention aménagés sur les premiers établissements de la zone Axe 7.
Où trouver l’eau potable pour ce projet de ZAC Axe 7 prévu pour accueillir 2200 emplois ? La consommation d’eau potable serait de 279 m3/jour alors que la station de Teppe Bon Repos de la commune est sous tension à 600 m3/jour. La ZAC Axe 7 consommerait l’équivalent de la moitié de l’eau potable de la commune de Saint Rambert d’Albon qui ambitionne néanmoins une croissance de sa population pour les années à venir : la fameuse agglomération (Roussillon-St Rambert) portée par le projet de la fuite en avant dans la périurbanisation orchestrée par le SCOT Rives du Rhône ! Les eaux retraitées ou récupérées ne suffiront pas et il est donc prévu d’utiliser l’eau du système d’irrigation agricole (SID) qui feraient donc défaut à l’agriculture ou aux milieux naturels. Les eaux usées seraient traitées par la station d’épuration de St Rambert d’Albon. Pourquoi cela devrait être supporté par les contribuables ? Pourquoi les entreprises ne financeraient-elles pas leur propre station d’épuration ?
Comment espérer que la faune se faufile d’Est en Ouest dans les couloirs arborés ? Est-il sérieux de prévoir en 2024 le développement des cultures PPAM alors que la filière est en crise depuis 2021 ? Comment la comcom pourrait réussir le développement de nouvelles cultures agricoles alors qu’elle se désintéresse depuis dix ans de cette question agricole et alimentaire ; ainsi elle n’a toujours pas réalisé de projet alimentaire territorial (PAT) ? Est-il judicieux de prévoir des places de parking et des promenades à proximité des champs agricoles et des reliquats d’espace naturel. Comment espérer maintenir en l’état les niveaux de la faune alors que son habitat serait détruit à 80 % ? Pourquoi continuer à nuire aux 53 espèces d’oiseaux présentes sur la zone ? Il s’agit notamment du Bruant ortolan (80 couples en région AURA), du Bruant proyer, de l’Alouette lulu ou de l’Oedicnèmecriard… Ces espèces sont déjà suffisamment déstabilisées par la destruction de leur habitat depuis deux ou trois décennies, il est temps d’arrêter ce carnage !
Pourquoi toutes les préconisations pour développer les modes alternatifs de déplacement ne sont pas respectées ? Axe 7 est éloigné de 1,7 km à 5 km de la gare SNCF de St Rambert d’Albon sans liaison pédestre ou cyclable. Le projet investit dans les places de parking pour véhicules à moteur avec 2259 places sur plus de 6 hectares. Les incantations aux « modes de transports alternatifs (mode doux, covoiturage, mutualisation) » ne pourront jamais réduire le mode unique de transport des marchandises prévu pour cette zone : les poids lourds. Avec un taux de déplacement en voiture du domicile au travail de plus de 80 %, plus de 2000 places de parking, une route de 18 mètres de large, il est douteux que les employés accèdent à la ZAC à pied ou en deux roues.
Pourquoi reprendre les chiffres de l’étude de circulation routière fabriquée par Vinci pour la promotion de son projet de demi-échangeurs nord Drôme ? Ces études contestables et contestées concluent hâtivement que le demi-échangeur produirait une diminution de près de 25 % des flux soit une baisse de plus de 5 300 véhicules/ jour. Dans vingt ans, le projet Axe 7 prévoit une augmentation du trafic estimée à 4 071 véhicules supplémentaires. Tout cela est peu réaliste. Ce serait le premier projet de ZAC d’une centaine d’hectares intégralement desservi par la route et assorti d’un demi-échangeur autoroutier, qui ferait baisser in fine le trafic total sur la zone ! Cela sert à faire accroire au respect de l’objectif de la baisse des émissions des gaz à effet de serre (GES). La trajectoire locale de baisse des GES n’est pas respectée et c’est l’inverse qui adviendrait avec la mise en place de cette ZAC. En réalité avec ce projet Axe 7, nous contribuerions localement à «rouler sur l’autoroute vers l’enfer climatique, avec le pied toujours sur l’accélérateur» (Antonio Gutierrez).
Comment faire respecter les objectifs de l’autonomie énergétique avec la création et le développement de ce parc Axe 7 ? Ce projet propose de couvrir presque 7 ha de toiture et parking en panneau photovoltaïques soit les 2/3 des toitures et la moitié des ombrières des parkings. Mais cela conduirait seulement à 60 % des besoins en électricité et nécessiterait de changer les postes sources ou transformateurs électriques de la collectivité. Qui payerait de pareils investissements pour tenter de blanchir le bilan énergétique de ce projet ?
Comment respecter la trajectoire bas carbone (SNBC) de la comcom PDA avec un pareil projet Axe 7 ? La construction ou lotissement d’Axe 7 équivaudrait à l’émission de 400 tonnes de CO2 supplémentaire. Les productions de carbone des véhicules desservant la zone Axe 7 et ceux des process des « industries » ne sont pas comptés pas plus que la chaleur fatale des dites industries. Les arbres plantés sur Axe 7 stockeraient dans un demi-siècle environ 25 kg de carbone par an alors que l’agriculture contribue actuellement au stockage de 10 à 60 tonnes de carbone par hectare. Ce projet d’artificialisation de plus de 80 hectares conduirait donc à la perte irrémédiable d’un stockage de carbone par ces sols agricoles. La compensation envisagée dans ce projet par les seules prairies et la plantation d’arbres sur le reliquat de sol vivant d’une superficie de seulement 26 hectares (9,5 ha d’espaces naturels et 17,1 de terres cultivées) ne pourrait suffire. Car ce reliquat de sol vivant ne pourra stocker trois ou quatre fois plus de carbone et absorber en plus le carbone supplémentaire résultant des émissions imputables au trafic routier et aux activités industrielles d’Axe 7. Les arbres plantés en 2023 sur le site de Sigma 14 sont pour une partie d’entre eux déjà morts avant même d’avoir commencé à stocker du carbone…
Pour toutes ces raisons, l’avis de l’association Point de Bascule est très négatif. Nous appelons à l’esprit de responsabilité afin d’annuler ce projet et mettre les terres agricoles déjà achetées par la comcom PDA au service d’un projet agricole d’avenir qui serait respectueux des défis climatique, alimentaire et des générations futures.
A St Vallier, le 5 novembre 2024,
Point de Bascule, collectif citoyen pour le vivant (contact@pointbascule.fr)