par Antoine Conjard
Axe 7 et les limites planétaires
Selon le Stockholm Résilience Center (1) les limites planétaires sont un ensemble de neuf processus, définis et mesurés scientifiquement qui régulent la stabilité et la résilience du système terrestre.
Leur dépassement met la vie sur Terre en danger (tout simplement). L’ONU a adopté cette approche par les limites planétaires, c’est une manière de mieux évaluer et comprendre les effets des activités humaines sur les éléments qui permettent la vie et la vie humaine en particulier. Focaliser l’attention sur le seul changement climatique ne permet pas de comprendre l’ampleur des phénomènes en cours.
Actuellement, 7 des 9 limites planétaires sont dépassées. Ce qui nous rapproche de plus en plus d’un potentiel point de non retour : un point de bascule.
Ces limites ont été dépassées à cause du modèle de développement promu par le modèle industriel, modèle qui s’est généralisé ou presque, à tout le globe.
Aujourd’hui on ne peut plus dire qu’on ne savait pas. Le modèle industriel est en train de détruire nos conditions de vie sur terre. Donc tout nouveau projet qui s’appuie sur les imaginaires productivistes, sur les modèles de la consommation industrielle doit être observé avec la plus grande circonspection : ce projet est-il vraiment indispensable pour la vie des générations futures? ou bien va-t-il contribuer à aggraver la situation?
Où se situe le projet Axe7 par rapport aux limites planétaires?
Les propositions, ci-dessous, à partir de 5 limites, sont une manière de construire une grille de lecture. Ce n’est pas un avis définitif mais une direction de travail adaptée aux conditions du 21e siècle. Où l’on verra aussi que le processus de chaque limite est en interaction avec les autres limites…
AUGMENTATION DES AÉROSOLS
Cette limite n’est pas encore quantifiée à l’échelle mondiale, mais nous le constatons quasi quotidiennement, la qualité de l’air est rarement « bonne » dans les indices d’Atmo-Aura (3), souvent médiocre à très mauvaise, surtout le long des axes routiers comme l’A7, mais les
mauvaises qualités de l’air touchent tous les habitants. Quelles sont les conséquences sur la santé?
Les entreprises qui se sont installées à Saint-Rambert, à Andancette, Albon et Anneyron sont étroitement liées aux flux mondialisés de marchandises industrielles, quand elles n’en sont pas un maillon essentiel. Sans présager du type d’industries qui pourraient s’installer sur Axe7, le seul transport représente une part importante d’émission de micro et nano particules dans l’air, dans l’eau, dans les sols (frein, pneumatiques, échappement…).
Espérer le vent pour disperser les polluants, c’est juste envoyer nos déchets à nos voisins…ou les diluer dans les forêts génératrices de nos eaux potables…
Favoriser le transport routier, favoriser la dépendance du territoire aux échanges internationaux est une erreur en matière de santé publique.
ÉROSION DE LA BIODIVERSITÉ
Si la santé des humains est affectée par la toute puissance des sacrifices à l’économie, les autres vivants aussi en payent un lourd tribut.
Le terme « érosion » donne le sentiment d’un processus lent. En fait la disparition des espèces et la chute vertigineuse du nombre d’individus dans une espèce sont engagées dans un rythme qui fait que l’on parle de 6e extinction de masse, la dernière ayant été celle des dinosaures… Et cela c’est accéléré depuis 30 ans…Un oiseau qui meurt, un mammifère qui disparaît n’est pas remplacé. Leur mort n’entre pas dans le cycle naturel, c’est le cycle naturel qui disparaît.
Toute atteinte à la biodiversité relève d’une forme de crime contre les autres vivants et contre notre descendance, puisqu’il existe une interdépendance entre toutes les espèces.
Le béton et le goudron d’Axe7 n’ont plus leur place dans des projets d’avenir…
Les « études » de la LPO concernant les espèces protégées tendraient à montrer que certaines auraient disparues des espaces convoités par Axe7. Ce n’est que le fruit d’une artificialisation déjà engagée depuis de nombreuses années, sans véritable limite… Il est assez étonnant que l’ont puisse constater sans sourciller qu’après l’implantation de DPD, Coulidor et Dentressangle, il n’y aurait plus de bruant ortolan à St Rambert!
Les oiseaux sont les sentinelles du futur de nos enfants… mais leurs biotopes a été détruit…
CHANGEMENT D’USAGE DES SOLS
L’artificialisation des sols est une des causes du changement climatique, de la hausse des températures, du changement du régime de l’eau… Le modèle de croissance basé sur l’artificialisation induit de nouveaux hectares de goudron, de tôle et de béton avec quatre principaux effets :
1- la spéculation foncière organisée par les pouvoirs publics sur le dos des milieux naturels et de l’agriculture. Sans des terres à bas prix le modèle économique de la création d’une ZAC ne tient pas. Ce processus conduit à vendre les terres à des entités financières finalement inconnues totalement soumises aux aléas des marchés mondialisés.
2- La péri-urbanisation du territoire et son corollaire d’augmentation de trafic avec toujours plus de routes et de parkings…
3- La perte de biodiversité et la simplification des espaces, la réduction ou la suppression de trames vertes et de trames noires. Les engagements à la compensation sont un leurre : une vie perdue est perdue (qu’elle soit humaine ou animale), une terre stérilisée est stérilisée, elle ne peut être remplacée. Le modèle de la compensation est une dérive de la financiarisation du vivant, un alibi facile pour gestionnaire hors-sol, dé-sol-idarisé, qui n’est plus solidaire avec les autres vivants.
4- Les changements de régime des eaux et leur pollution inévitable. Que savons nous de la lente descentes de ses polluants vers les aquifères? Que réservons-nous à nos descendants?
Par ailleurs, le modèle industriel mondialisé importe des matières premières et manufacturées qui sont le fruit de la déforestation et de l’artificialisation d’autres territoires à l’échelle mondiale. Favoriser le « système logistique » ici, c’est accroître les causes de la perte des sols en cours à l’échelle mondiale.
L’étude sur l’artificialisation dans la Drôme conduite par la direction des territoires de la Préfecture, montre que d’autres modèles que ceux s’appuyant sur l’artificialisation sont plus vertueux en matière d’emploi et de croissance des revenus des ménages.
Le modèle de développement promu dans le Nord Drôme n’a pas d’avenir. Il ne prend pas en compte les besoins des populations. Il est le produit d’un raisonnement simpliste, productiviste et économiste qui génère une maladie jusqu’ici incurable : « l’aménagite ». Il est le fruit dangereux d’un imaginaire du développement des années 50 du 20e siècle, les trente glorieuses qui se sont avérées être les « 70 désastreuses ». Il faut donc des catastrophes climatiques pour remettre en cause l’aménagite aigüe…?
CHANGEMENT CLIMATIQUE
C’est la limite planétaire dont on parle le plus, pour cause, nous la percevons dans nos corps, certains même en meurent, pour le moins c’est la manière la plus directe avec laquelle la nature se rappelle à l’homo economicus. Le principal facteur de changement climatique sont les gaz à effet de serre. Un français consomme en moyenne 7 tonnes de CO2/an. Selon l’accord de Paris, il faudrait tomber à 2 tonnes…
On voit ici que favoriser aujourd’hui le transport et l’industrie n’est pas adapté aux enjeux du 21ème siècle.
Il faut changer de mode de vie…
L’imperméabilisation des terres et la création d’îlots de chaleur est une autre cause du réchauffement climatique.
Ici encore le projet de ZAC est une erreur.
ENTITÉS NOUVELLES DANS LA BIOSPHÈRE
Entités nouvelles = des matières qui n’entrent pas dans le cycle du vivant et qui le plus souvent ne sont pas inertes. Elles ont donc des effets sur la santé des biotopes, des autres vivants selon leurs sensibilités et de l’humain en particulier.
L’industrie crée sans cesse des matières nouvelles (plastiques, produits chimiques, médicaments…). Il faut 9 mois pour mettre un produit nouveau sur le marché, des dizaines d’années pour le retirer (amiante, chimie agricole, PFAS…). Le trafic routier génère une dispersion d’entités nouvelles dans l’atmosphère et dans les sols (carburants, produits du moteur à explosion, graisses, pneumatique et leurs multiples composants, freins…)
Concentrer la circulation des automobiles et camions c’est inévitablement en accroître le nombre et donc augmenter les pollutions. Favoriser l’industrie mondialisée c’est favoriser la production de matières nouvelles souvent moins chères parce que ne comptabilisant pas leurs externalités, notamment la dette écologique à l’égard de nos enfants. Par exemple des produits chimiques fabriqués dans notre région pour engraisser des porcs chinois…
Quel sens cela a-t-il? Les promoteurs de ce type d’activité payent-ils vraiment le transport à son juste prix?
AXE 7 : UN PROJET NUISIBLE
On le voit à partir de ces quelques explorations dans les limites planétaires, Axe 7 est un projet trop vieux, trop tard, imaginé dans la suite de l’euphorie des « 70 gaspilleuses ».
Plutôt que de favoriser l’activité des fonds de pension des riches de la planète, les pouvoirs publics devraient prendre soin des communs, l’eau, l’air, les sols et les autres vivants.
Le fantôme du bruant ortolan hante les dossiers d’instruction, les demandes de subventions, les projets d’aménagement, les réunions du système politico-administratif. Dans leur voiture électrique en forme de vaisseau spatial, les riches rêvent d’un ailleurs hors planète: laissons les s’envoler, mais pour toujours…
Ici retrouvons des plaisirs plus adaptés à la vie sur terre.
1- https://www.stockholmresilience.org/research/planetary-boundaries.html
2 – https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/publications/ thema_analyse_11_limites_planetaires_octobre2023.pdf
3 – https://www.atmo-auvergnerhonealpes.fr/services
Voir aussi – Avis n°1 sur le projet de ZAC Axe7 par Point de Bascule sur pointbascule.fr